• LA VILLE DE FEZ

    LA VILLE DE FEZ ... le symbole de l'identité du royaume chérifien.

    L'ancienne capitale mérinide séduit autant par son goût du secret que par le raffinement  de son architecture et de ses beaux-arts.

    Dans la Talaa Kebira, l'une des deux rues les plus importantes de Fès el-Bali, la vieille médina de Fès,
    les commentaires ce jour-là vont bon train. « Mohammed VI, le nouveau roi du Maroc, se marie. »
    C'est bien. « Et pas avec une princesse, avec une fille de Fès ! » C'est mieux.
    Hochements de tête satisfaits au sommet des gandouras blanches. Aux yeux des Marocains,
    et particulièrement des habitants de Fès, avoir un ancêtre fasi vaut tous les pedigrees aristocratiques.
    L'ancienne capitale impériale a beau avoir été détrônée sur le plan politique
    et économique par les villes roturières du littoral, elle reste le symbole de l'identité du royaume chérifien.

    Et qu'importe que, de Tanger à Marrakech, on se moque de l'accent fasi, du snobisme
    et de l'arrogance de l'antique cité ! Qu'importe si la population de Fès a changé et si,
    dans la médina grouillante d'El-Bali, les villageois moins policés venus de la montagne
    ont remplacé les grandes familles bourgeoises, émigrées à Rabat et à Casablanca.
    Être de souche fasi, c'est avoir en soi les mânes d'El Andalous, des royaumes de Cordoue et de Grenade,
    le paradis perdu dont le raffinement irrigue comme à perpétuité la conscience marocaine.

    C'est communier aussi avec le mystère d'une ville d'art où la beauté est partout,
    des toits verts de la mosquée Karaouiyne, imitée de Cordoue, aux superbes faïences
    polychromes qui encombrent les étals des souks. La capitale qu'Idriss, descendant de Mahomet,
    décida de fonder au VIIIe siècle sur les bords de l'oued Fez, en plein coeur des terres fertiles du Zaïs,
    n'est plus seulement une ville, elle est un mythe, symbole de raffinement et de grandeur. Elle fascine.

    Dans la ville nouvelle, loin de la foule nonchalante de Fès el-Bali, Jalil el-Hayar n'a pas voulu
    prendre le risque de restaurer. Il a préféré construire. Le Dar Ziryab est une villa moderne décorée
    de la cave au grenier comme un palais traditionnel, avec mosaïques, stalactites et plafonds peints.
    Passéisme ? Désir surtout de vivre au sein de la légende. Pour ressusciter
    dans un monde de brutes un peu de la douceur de vivre des anciens, quand l'islam
    était aussi synonyme d'art et que la musique andalouse adoucissait les moeurs...

    Digne des « mille et une nuits »
    Confort sommaire, maison superbe. « Un ancien palais ? » Sourire condescendant du guide.
    Encore un peu et il vous reprocherait de confondre une HLM avec la chapelle Sixtine.
    Quelques minutes plus tard, il ouvre la porte d'un ami. Le couloir fait un angle, un autre encore,
    et brusquement, c'est l'enchantement : autour d'un patio inondé de mosaïques,
    deux étages de galeries élèvent vers le ciel leurs colonnades.
    Les plafonds sont tous peints d'arabesques et de fleurs aux couleurs raffinées.
    L'ensemble est d'une délicatesse exquise. Un palais digne des « Mille et une nuits » !
    « Vous êtes comme Abraham ! s'exclame Driss. Le jour où il vit la Lune, il crut qu'elle était Dieu.
    Mais le lendemain il vit le Soleil et crut que c'était Dieu. Le jour d'après,
    il se rendit compte qu'il s'était trompé : Dieu était bien autre chose.
    Vous vous extasiez sur de vulgaires maisons, en croyant qu'elles sont la demeure des princes.
    Un palais, à Fès, c'est tout autre chose ! »

    C'est par exemple, à l'ouest de la ville, au fond d'un chemin en pente oublié des services municipaux,
    une immense villa où pointent les herbes folles.
    Construit au début du siècle dans le goût hispano victorien,
    le palais Mokri se survit à lui-même. Du temps de la splendeur de son commanditaire,
    un ancien ministre, il y avait un grand piano à queue dans le salon des invités qui domine le patio,
    se souvient le gardien. L'argenterie de Manchester, les meubles de prix encombraient les étages.
    Aujourd'hui, la peinture s'écaille, la mosaïque est ruinée par les boursouflures.
    La famille essaie de le vendre...

    A quelques ruelles de là, le palais du Glaoui, le féodal qui provoqua l'exil de Mohammed V,
    fait encore plus triste figure, avec ses 13 000 mètres carrés de moins en moins habitables.
    « Vous voyez tous ces cyprès ? explique Abdou Boukhriss, le gardien,
    en montrant l'intrication des cours et des terrasses qui s'étendent à ses pieds.
    Ils cachent tous des palais. Il y en a près de quatre cents. Comment les conserver ? »


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